Assied-toi, car cette newsletter est un peu longue ……
Ce que personne ne m’a dit sur le deuil administratif
(et pourquoi j’ai pleuré en envoyant un formulaire)
Si j’écris ces lignes, c’est pour vous dire combien j’étais loin de m’imaginer que le deuil allait s’immiscer jusque là.

Je croyais naïvement que le pire, ce serait l’absence.
Le manque.
Les souvenirs qui déboulent sans prévenir.
Les nuits trop longues et les silences trop lourds.
Mais non.
Le pire, parfois, c’est Excel, c’est les formulaires.
C’est la déclaration d’impôts à faire au nom de celui qui n’est plus là.
C’est ce moment où l’on appuie sur "ENTER" pour signaler à l’administration que, pour elle, tout est terminé.
Je ne pensais pas que cette étape serait marquante.
Et pourtant, des années plus tard, j’en tremble encore quand j’en parle.
J’aurais aimé être préparée.
J’aurais aimé qu’on me dise : “Tu vas devoir te battre dans un marathon administratif absurde, violent, épuisant.”
J’aurais aimé un article. Des astuces. Une main tendue.
Mais non.
Alors aujourd’hui, je milite.
À mon niveau.
Pour qu’en France aussi, comme ailleurs, ces démarches soient un peu moins inhumaines.
Pour qu’on comprenne que ce deuil-là est un deuxième deuil.
Plus froid. Plus administratif.
Mais tout aussi ravageur.
Je me souviens de cet appel de la MSA.
La voix au bout du fil m’a dit, sèchement de cette Csse :
“Madame, nul n’est censé ignorer la loi. Vous deviez nous renvoyer la carte vitale dans les sept jours.”
Sept jours.
Il était enterré cinq jours après.
J’étais censée penser à cette foutue carte alors que je voulais juste un peu plus de temps avec mon enfant avant que le cercueil ne se referme.
J’ai pleuré en silence.
Je crois même que je me suis excusée.
J’étais vidée. J’avais plus la force de hurler.
Mais dans ma tête, ça hurlait très fort.
Le deuil administratif, c’est ça.
C’est trier des papiers, appeler un notaire, clôturer un compte.
C’est signer des formulaires, comme si chaque signature effaçait un peu plus leur existence.
C’est la douleur froide, sans visage, sans compassion.
Et puis, il y a l’absurde.
Les combats juridiques qui n’en finissent pas.
Des histoires comme celle de cette cliente :
Sa mère décède. Divorce pas encore prononcé.
Le futur ex-mari demande… le droit aux cendres.
Contre la renonciation à l’héritage.
Oui, vous avez bien lu.
Elle a dû abandonner l’héritage pour pouvoir disperser les cendres de sa propre mère.
Moi, j’ai mis trois ans.
Trois ans pour fermer tous les dossiers.
Trois ans à me demander ce qu’il aurait voulu.
À me demander si je l’honorais ou si je le trahissais en bouclant tout ça.
Quand tout a été fini, j’ai pleuré.
De soulagement. D’épuisement.
Et surtout, de tristesse.
Parce que c’était la dernière fois que je me battais pour lui.
Ses papiers sont toujours là.
Dans mon bureau.
Une boîte à archives avec son prénom.
À côté de celles de mon père et de mon grand-père, résistants de la guerre 14-18 et 40-45.
Je résiste ? Ils résistent ? Je ne sais plus
Je laisse le choix à son frère, à mes petites-filles.
Je passerai le flambeau un jour.
Pas maintenant.
Alors si tu traverses ça, ou si tu connais quelqu’un qui le traverse, sache ceci :
Tu n’es pas seul·e.
Et tu n’es pas faible si tu trouves ça dur.
C’est dur.
C’est aussi pour ça que j’ai créé un e-book, pour poser des mots là où l’on n’en trouve pas.
Pour t’aider à y voir plus clair, pas à pas.
Pour que toi, tu ne sois pas aussi désarmé·e que je l’ai été.
Tu peux le télécharger ici.
Et si tu veux partager ton histoire, je suis là. Vraiment.
À bientôt,
Sylvie Saorin